Je vous présente Akouphen, une pointure de la scène freetekno. Membre incontournable du Teknomad Sound System, du duo Les400Coups, du label Tikal Sound Records et du collectif Tetrabass, Akouphen balance des mixs et lives entre tekno, tribe et hardcore. J’ai eu l’occasion de collaborer avec lui sur le RSF 03, et nos chemins se sont croisés en soirée, un plaisir de partager ces moments.
Bon, parlons un peu de toi ! Comment tout a commencé dans la musique ? Et ton aventure avec le sound system Teknomad, c’était quoi, un coup de foudre ou une longue histoire d’amour ?
J’ai toujours eu une attirance pour la musique électronique. Ado, j’écoutais déjà des compils trance et Thunderdome… Au lycée, j’ai sympathisé avec un gars de ma classe, Steph, qui sans le savoir jouerait un rôle important dans mon parcours musical. C’était un des fondateurs des Nawak, mais je l’ai malheureusement perdu de vue depuis longtemps. Il me racontait les frees et les squats qu’il posait. À cette époque, je fréquentais surtout les raves payantes de Rungis et les discothèques avec les potes de mon quartier, un décalage ! Je le prenais un peu pour un marginal :D.
Fin 97, début 98, je travaillais comme télévendeur dans une société de livraison de surgelés à domicile. J’ai rencontré David, un étudiant en alternance, et Seb, téléprospecteur. Nous avions une passion commune : les chiens de catégories et les pétards :D. Ils m’ont expliqué qu’ils allaient en teuf tous les week-ends. Il ne m’en a pas fallu beaucoup plus pour attiser ma curiosité, et me voilà parti pour ma première teuf qui se déroulait à Crançay, le fameux entrepôt qui fut maintes fois retourné. Ce fut un déclic, une claque, ma première découverte de la tekno underground.
J’ai rapidement repris contact avec Steph (des Nawak) pour lui raconter que j’avais été initié et que j’avais adoré son univers. Comme par hasard, il avait à ce moment-là une paire de platines à vendre… Voilà où tout a démarré ! Ma vie sociale a pris fin dès l’instant où les platines furent branchées :D. J’ai rapidement cessé de travailler pour passer mes journées à pousser des disques.
Teknomad, c’était un peu plus tard, fin 99, début 2000. J’ai rencontré Fred (Kopac pour les intimes) par le biais de ma copine de l’époque. Nous avons rapidement sympathisé et il m’a présenté à toute la clique des Tek’Nomad. Ils venaient à peine de se former et m’ont rapidement proposé de les rejoindre.
Pourquoi avoir choisi ce blaze ? D’où vient « Akouphen » et qu’est-ce qu’il représente pour toi ?
Ce blaze est venu à moi en quelque sorte :D. J’ai découvert à mes dépens ce qu’était un acouphène au retour d’un teknival… Une fois le bourdonnement estompé, j’ai trouvé le nom sympa, et la toute première fois que je l’ai utilisé, c’était pour nommer une mixtape hardcore : « Putain d’Akouphen ».
J’ai définitivement adopté Akouphen comme blaze début 2001, où j’ai sorti un CD de mix hardcore sous le nom de DJ Akouphen.
Quelle a été ton implication dans Vital Prod ? Raconte-nous comment ça a démarré et présente-nous ce label.
Un de mes amis proches, Cyrmil, me parlait souvent d’un gars qui bossait avec lui et qui produisait de la tekno. C’était assez vague comme info, mais il a insisté pour me le présenter… En fait, il travaillait avec Phil, un des pionniers de ce style de production. Début 1990, il avait ouvert avec son associé l’un des tout premiers shops de tekno underground dans le 9ème arrondissement de Paris, « Planète Tekno ». Puis, ils se sont lancés quelques années plus tard dans la production de vinyles en créant la société « Vital Production ». Ils avaient créé au fil de leurs rencontres avec des artistes comme Jean Marc F, HK, Aura Exciter… des labels Tekno Underground qui sont devenus des noms incontournables de notre mouvement : Balistik, Full Bass, Nerfs À Vifs, et Haute Tension.
Phil avait grandi dans la même ville que moi et nous avions plein de points en commun. Nous sommes rapidement devenus très proches, et il m’a proposé de rejoindre l’équipe Vital pour l’aider à gérer les labels, car il se retrouvait plus ou moins seul. Son associé, Éric, ayant quelques soucis de santé, était peu présent pour l’aider dans la gestion du label. Voilà comment je me suis retrouvé avec la casquette de directeur artistique de 2002 jusqu’à la liquidation de Vital Prod en 2009. J’ai une pensée pour Éric, qui nous a quittés il y a plusieurs années déjà…
Allez, avoue, quelles sont tes influences musicales secrètes ? Y a-t-il des artistes ou des styles que tu adores et que tu voudrais nous faire découvrir ?
J’ai des goûts musicaux très variés, de la variété française au speedcore. Je peux aussi bien écouter du Renaud (des années 80) que du Fist of Fury. Mes artistes favoris sont Fky, LSDF, Analog Cirkus en tribe, et Revision, Speedyqs, Ingler en hardcore.
Quand tu te mets à créer, c’est plutôt freestyle ou tu as un plan d’attaque ? Décris-nous ton processus de création musicale, de l’idée à la version finale.
100 % freestyle. Je cible juste un style et un tempo. En règle générale, je pars d’une rythmique, d’une boucle que je joue et enregistre. Je place des effets, règle la vélocité des notes, etc. Je n’utilise quasiment pas de samples ; je joue pour ainsi dire tout avec mon clavier MIDI : les rythmiques, les mélodies, les basslines. Je laisse la musique prendre forme, je suis mon intuition et me laisse porter.
Quel est ton setup ? On veut tout savoir, du matos aux logiciels, même si tu es de la team « minimaliste ».
J’ai fait mes premiers pas sur Fruity Loops en 1999/2000. Puis un jour, un de mes amis, Ian (Analog Cirkus), m’a fait une démo de Reason 2.0 : une révolution ! Depuis, je suis fidèle à Propellerhead et complètement addict à Reason. J’ai bien essayé d’autres DAW, mais c’est comme si j’écrivais de la main gauche :D.
J’ai tenté d’ajouter à mon setup plusieurs sources analo : ER1, Minilogue, VolcaKick… mais le seul qui m’a vraiment convaincu et que j’ai conservé, c’est le Korg (Monologue). Je pilote le tout avec un contrôleur Nektar P1 et un clavier MIDI M-Audio Oxygen.
Y a-t-il un message caché ou un concept derrière tes tracks ou tu laisses la musique parler d’elle-même ?
Non, aucun :D. J’essaie juste de recréer la vibe de la zik qui m’a tant fait vibrer plus jeune, ce style que les jeunes appellent « old school » aujourd’hui. Je ne puise mon inspiration quasiment que dans les années 1999 à 2004.
Tu as sûrement bossé avec plein d’artistes. Une collaboration qui t’a marqué ou quelque chose à partager ?
Oui, et comment ! Ma rencontre avec Damage Circuit a été un vrai coup de foudre musical. Nous avons créé un duo, « Les400Coups », en 2022. On a sorti quelques tracks sur vinyle, dont l’Insomniake 02, et nous avons eu l’honneur d’être produits sur le label Peur Bleue (Peur Bleue 27). C’est également suite à cette rencontre que j’ai intégré le collectif Tetrabass et le label Tikal Sound Records, que je représente activement depuis 2022.
Je sais que tu fais aussi des masters ! Comment abordes-tu le travail de mastering pour différents labels et quelle est ta méthodologie pour obtenir le meilleur rendu sonore ?
D’abord, je prends le temps de bien analyser, que ce soit visuellement ou à l’écoute, pour comprendre ce qu’il faut corriger et ce qui est juste et ne nécessite pas de correction. Mon approche est d’essayer de respecter la vibe originale de chaque track qu’on me confie, en essayant de mettre en valeur sans trop dénaturer, mais aussi en prenant le temps de corriger des détails comme les problèmes de phase. Quant à ma master chaine, c’est top secret :D. Je bosse avec pas mal de plugins de chez Plugins Alliance et aussi la suite FabFilter. J’en profite pour remercier Romain (Trebeb), qui m’a transmis le virus. Grâce à lui (ou à cause de lui ?), je prends maintenant autant de plaisir à faire des masterings qu’à composer.
La scène freetekno a bien évolué depuis tes débuts. Tu la vois comment aujourd’hui par rapport à l’époque ? On parle nostalgie ou renouveau ?
Nostalgie… Le milieu actuel me semble tellement différent de ce que j’ai connu. Tout le monde est DJ aujourd’hui ; de mon temps, ça se méritait. Il fallait en pousser des vinyles avant d’avoir la maîtrise et pouvoir s’exprimer sur une façade. Je respecte pour autant la scène actuelle ; je pense que c’est une question de point de vue liée à la différence de génération. Je n’ai rien contre les DJs MP3 : si on m’avait collé une touche sync quand j’ai commencé, il y a fort à parier que j’aurais fini par appuyer dessus :D.
Je suis de l’ancienne école, celle où nous étions cachés derrière le mur… C’est sûr que je trouve ça beau, les décos des fêtes actuelles, mais ce n’est pas ce que je préfère. Les bâches militaires, je trouvais ça plus cool et beaucoup plus underground.
Allez, balance ! Une anecdote marrante ou marquante, que ce soit en studio ou lors de free parties ? On aime bien les petites histoires croustillantes.
Marrante : je vais passer cette option :D. J’en ai plein, mais c’est souvent en rapport avec des états… enfin, tu vois quoi :D. Ou alors, ça me ferait balancer des dossiers sur des potes :D.
Anecdote de teuf : on avait monté un crew avec des potes, AKTV, et on voulait poser une teuf dans un entrepôt en Normandie. On a fait plusieurs repérages et, le jour J, on arrive sur le site avec nos 20KW de DAS, et surprise : les DKLE étaient en train d’installer la benefit sound conspiracy… Bref, on est parti sur un deuxième plan repéré un peu plus tôt, mais des tranchées avaient été creusées la veille, empêchant l’accès au hangar…
On a fini par poser dans une clairière après des heures d’errance sur les routes normandes. On a rassemblé plus de 500 personnes d’après les gendarmes (vive les teufeurs normands) ! C’était incroyable, sachant que la benefit party se tenait à une bonne heure de route. Au matin, quand le soleil a commencé à éclairer notre environnement, on s’est rendu compte que nous étions posés dans un hameau avec pas mal d’habitations. Les gens ont été super cool, et les gendarmes aussi. Je crois que c’est mon meilleur souvenir d’organisation où rien ne s’est passé comme prévu, mais au final, on a passé une super teuf.
Quels sont tes projets en cours ou à venir ? Donne-nous un petit teaser pour qu’on puisse surveiller tout ça de près !
Mes projets en cours sont assez nombreux ! Toujours mon implication au sein des labels du collectif Tetrabass et Tikal Sound Records, aux côtés d’Arthur. En parallèle, j’ai une sortie solo qui arrive sur le label Sound System, où je signe le 5ème opus. Bry, du label Mazykka, m’a poussé hors de ma zone de confort pour ce projet (et je l’en remercie infiniment). Il m’a fait rallumer la flamme pour le hardcore old school que je pensais éteinte à jamais :D.
Il y a aussi le Teknomad Records 03 qui arrive, ainsi que le retour de Nerfs À Vifs, dont le 10ème opus est actuellement en presse, avec une sortie programmée pour début décembre.
Quels conseils donnerais-tu aux jeunes artistes qui souhaitent se lancer dans la production musicale ou créer leur propre label ?
De prendre son temps, de prendre beaucoup de plaisir à composer, et surtout de garder la tête sur les épaules ! C’est assez accessible de créer de la tekno, c’est à la portée de tout le monde ou presque, donc ne pas s’enflammer, travailler, s’écouter beaucoup, et ne pas chercher la gloire. Faire ça pour le plaisir avant tout, et si ça plaît, tant mieux !
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La bombe 😘😘
Super mentalité j’adore cette époque qu’on a connus et Bravo pour cette interview qui retrace bien ton parcours 💣🏴☠️💣🏴☠️
Big up Nico et bonne continuation 💪